Virginie, reine de France

En 2014, Télérama publiait le « Top 50 » de ceux qui font le cinéma en France. La surprise côté belge n’était pas à proprement parler d’y retrouver deux comédiens de chez nous, mais surtout de constater que pour le très sérieux hebdo culturel, notre meilleur représentant était une représentante : Virginie Efira (lire ici).

Le moins qu’on puisse écrire est que ces deux dernières années n’ont pas démenti cette analyse. La jolie blonde est aujourd’hui en France une actrice sur qui on bâtit des films importants, une artiste qui a largement augmenté la surface de son espace de jeu.

 

Celle qui sera prochainement la coprésidente du festival du film francophone d’Angoulême aux côtés de Gilles Jacob est pour l’instant à l’affiche de deux coproductions belges aussi différentes qu’attrayantes.

 

 

Dans Un Homme à la hauteur (coproduction Scope sortie il y a deux semaines déjà) Virginie Efira partage l’affiche avec Jean Dujardin, un couple glamour en diable pour une comédie romantique fort classique si ce n’est qu’elle est doublée d’un twist amusant et d’un discours de tolérance engageant, bien que parfois un brin moralisateur.

Ici, Virginie évolue clairement sur son territoire de prédilection : celui de la joie blonde tonique, indépendante, lumineuse, sexy et attachante, mais très indépendante. Un peu le créneau qu’occupait avant elle Sophie Marceau avec la même efficacité (OK, elle n’est pas blonde).

 

Qu’on bâtisse aujourd’hui des films à gros budgets (13 millions selon CBO) autour de son nom est forcément un gage de réussite professionnelle qui n’a pas d’autres équivalents dans notre cinéma. Émilie Dequenne ou Cécile de France sont plutôt les vedettes de films budgétisés autour de 4/5 millions tandis que chez les messieurs, Benoit Poelvoorde et François Damiens, l’homme qui monte qui monte, évoluent dans un tout autre créneau.

 

 

Mais si on n’est pas vraiment surpris de retrouver Virginie Efira dans ce type de registre, on est plutôt surpris de la croiser dans Elle, le nouveau brûlot de Paul Verhoeven, projeté à cannes la veille de la clôture et reparti sans la moindre récompense alors qu’il pouvait, selon les observateurs attentifs, en revendiquer quelques-uns.
De fait, dans ce thriller psychologique coproduit chez nous par Entre Chien et Loup et programmé sur nos écrans depuis le 25 mai, Virginie Efira nous surprend doublement : d’abord parce qu’elle a accepté ici un rôle secondaire au lieu de se consacrer ailleurs à un autre film plus rentable, ensuite parce que son personnage assez désopilant est en totale opposition avec ce qu’elle nous a proposé jusqu’ici. Cela dit, croyez-nous, voir Virginie Efira en bécasse bigote est un plaisir assez jouissif. D’autant que Verhoeven et son scénariste ont aménagé son personnage par rapport au livre original de Philippe Djian, lui donnant, in extremis, une consistance inattendue (no spoiler, à vous de voir).

 
Photo : © J.P.Malherbe/N.L.P.

 

Bien sûr, Virginie n’est ici qu’un élément du dispositif artistique complexe mis sur pied par le réalisateur néerlandais, une des actrices d’un casting époustouflant où on croise des comédiens issus de différentes famille du cinéma français qu’on pensait presque inconciliables. Isabelle Huppert face à Laurent Lafitte, épaulés par Anne Consigny, Charles Berling ? L’idée est formidable.

 

Ajoutez-y, pour la touche belge, un très beau rôle pour le fort rare Jonas Bloquet qui récolta le tout premier Magritte du meilleur espoir pour sa prestation dans Elève Libre de Joachim Lafosse. Il incarne ici le fils d’Isabelle Huppert, un jeune homme tellement amoureux qu’il semble se moquer totalement de la vraisemblance des choses pour ne remarquer dans la vie que ce qui sert sa passion.

 

Formidable thriller psychologique, pervers en diable, Elle est sans doute un des grands films sado-maso de ces dernières années qui pointe aussi l’incommunicabilité entre les êtres proches au point d’en faire un des moteurs du récit.  Pour ceux qui aiment le cinéma de genre, Verhoeven s’amuse en outre à jongler avec les clichés les plus éculés du film de terreur, comme l’apparition soudaine du chat qui nous fait tomber de notre siège ou le retour improbable d’un bon samaritain qui n’avait rien à faire dans une scène clef, mais scelle le sort du croquemitaine.

 

Bref, on s’amuse, on frissonne, mais on se délecte aussi intellectuellement du processus mis en place par un Verhoeven revenu au meilleur de sa forme. Follement recommandé, et pas juste pour Virginie.

 

 

Photo : © J.P.Malherbe/N.L.P.

 

Grâce à sa volonté d’élargir sans cesse sa palette et d’échapper aux stéréotypes, Virginie Efira a, en fait, effectué deux apparitions (fort remarquées) à Cannes : la Reese Whiterspoon francophone (copyright : les Inrocks) a en effet fait l’ouverture de la Semaine de la Critique avec Victoria, nouveau film de Justine Triet, réalisatrice du bordélique La bataille de Solférino qui fit néanmoins les choux gras de la presse française.

Dans Victoria, Virginie Efira interprète le rôle-titre, celui d’une avocate (décidément), mère célibataire qui gère, dragueuse virtuose et fan de rhétorique, mais, derrière le masque, au bord du nervous breakdown.

 

Très bien accueilli par la critique, le film sortira le 14 septembre en France ce qui pourrait en faire un candidat idéal pour le FIFF namurois où fut déjà présenté La bataille de Solferino en 2014.

 

 

 

On reverra ensuite Virginie dans Pris de court où elle renoue avec son rôle favori, celui de la mère courage célibataire (Victoria, Une famille à louer, … ). Malgré son obstination, elle va ici perdre son boulot et tenter de cacher son désarroi à ses fils pour ne pas les inquiéter. Mais la démarche n’est pas sans danger et l’engrenage dans lequel elle s’engage peut lui coûter cher.  On l’a compris : ce nouveau long métrage de la très rare Emmanuelle Cuau éloigne à nouveau l’actrice belge de la comédie légère. Elle y partagera l’affiche avec Gilbert Melki (Très bien, Anna M., Cowboy…) et Marilyne Canto (Le Sens de l’humour, La Tendresse,…).

 

Vous le constatez : surfant vaillamment sur la vague du succès sans jamais se relâcher, Virginie Efira ne chôme pas, imposant une image de plus en plus complexe et intéressante dans le petit monde du cinéma francophone qui ne semble plus en mesure de se passer d’elle.

Ceux qui ont misé sur une carrière aussi fulgurante lorsqu’elle présentait encore Megamix sur Club RTL ne sont peut-être pas très nombreux, mais ils doivent être très riches aujourd’hui 😉

 

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