Depuis ce lundi, nous décortiquons le bilan annuel du cinéma belge… francophone.
Pourquoi ce ségrégationnisme linguistique ? Pour deux raisons évidentes : le cinéma est une matière qui est du ressort exclusif des communautés, les décisions ne se prennent donc pas à un échelon fédéral. Et surtout, les visages des cinémas belge francophone et flamand sont aussi différents que possible.
Même si de nombreux films sont aujourd’hui coproduits entre Flamands, Wallons et Bruxellois et tournés dans les deux langues, au point qu’on puisse les qualifier de 100% belges (Wasteland, Black, Brabançonne, Dode Hoek, Le Fidèle…), le rapport entre les films et le public au sud ou au nord de la frontière linguistique reste très déséquilibré.
On l’a déjà dit cent fois : oui, le cinéma flamand est globalement excellent, mais si son public le suit d’aussi près, avec autant de ferveur, c’est essentiellement pour une raison linguistique. Les séries et films étrangers ne sont jamais traduits en flamand, si bien que seules les productions locales semblent familières au public qui s’y identifie plus volontiers.
Chez nous toutes les productions françaises peuvent passer pour des productions locales et, surtout, toutes les œuvres anglo-saxonnes sont systématiquement adaptées en français. Pour un public qui n’aime pas les sous-titres, Batman vs Superman est plus facile à suivre que (au hasard) Tokyo Fiancée, qui propose quelques dialogues sous-titrés. C’est le monde à l’envers, mais c’est ainsi.
S’ajoute à ça une dimension culturelle : la Flandre est une île. Ses productions n’ont rien à voir avec les productions hollandaises alors que les nôtres se distinguent bien moins des très nombreuses productions françaises. C’est cette singularité qui implique l’organisation de deux cérémonies de remise de prix (les Magritte et les Ensors), c’est elle aussi qui a permis l’émergence d’une culture de la série télévisée locale au nord du pays. Et ce qui rendra plus compliquée son émergence au sud.
Cela posé, nous terminons aujourd’hui notre bilan de santé du cinéma belge par le bilan flamand, qui, grâce à une fin d’année exceptionnelle, se porte plus que bien.
L’ANNÉE DE TOUS LES RECORDS
Avec 2.408.508 spectateurs sur notre seul territoire, les films belges flamands ont battu un nouveau record l’an dernier. Ce chiffre est en hausse de 17,8% par rapport à celui de 2014. Le record de 2010 (2,099m) a ainsi été battu. Environ 84% (2,026m) de ces 2.408.508 spectateurs ont été voir une production majoritaire flamande au cours de l’année 2015.
Depuis la création du Fonds Audiovisuel de Flandre (VAF), ce n’est que la troisième fois que la fréquentation dépasse les 2 millions. Ces chiffres et d’autres indicateurs ont été rendus publics lors de la présentation annuelle du Bilan du VAF.
Ce record a été rendu possible grâce aux films sortis au cours du dernier trimestre dont FC De Kampioenen – Jubilee General (632.300), Safety First (327.685) et la coproduction Le tout Nouveau Testament (284.323). Notons que les deux premiers films sont des adaptations de séries « très très grand public » de la télévision flamande.
Mais des films tels que D’Ardennen, Black, Wat mannen willen et Ay Ramon! ont tous dépassé la barre des 100.000 spectateurs. À l’analyse des chiffres, il apparaît que les films soutenus par le VAF ou Screen Flanders comptent pour près de 93% dans ce box-office.
Ce record de fréquentation a été atteint malgré une météo très douce en fin d’année et la menace terroriste qui ont eu un impact négatif très significatif sur la fréquentation des salles en général.
Selon les données disponibles, 112.338 transactions VOD ont été enregistrées pour des films soutenus par le VAF (dont les coproductions). Et il est important de noter que certains films qui ont fait une carrière décevante en salles se rattrapent en VOD.
En ce qui concerne les séries soutenues par le VAF ou Screen Flanders, les données rassemblées auprès des producteurs indiquent que Amigo’s a enregistré près de 379.653 transactions, ce qui est largement plus que la série qui faisait le mieux en 2014 (In Vlaamse velden).
A la télévision, les 77 (co)productions ont attiré 15.699.801 spectateurs pour 53 films de fiction dont seulement six courts (14.440.670 spectateurs), 13 documentaires (691.614 spectateurs) et 11 films d’animation dont un court (567.517 spectateurs).
Les séries soutenues par le VAF/Fonds Média ont enregistré 49.323.255 spectateurs sur les chaînes flamandes avec une moyenne de 328.176 par épisode.
À L’INTERNATIONAL
Les créations audiovisuelles belges flamandes ont remporté un peu plus de distinctions en 2015 (196 par rapport à 190). Un niveau de croisière par rapport à l’année record de 2013 qui avait compté 338 prix en grande partie remportés par les locomotives The Broken Circle Breakdown (Alabama Monroe) et Baghdad Messi.
De 2015 on peut épingler : la sélection de Violet de Bas Devos dans le prestigieux New Directors/New Films; la projection de Lucifer de Gust Van den Berghe au Festival de Tribeca; les premières de D’Ardennen et Black à Toronto ainsi que les ventes qui se sont suivies; la sélection de Bad Hunter de Sahim Omar Kalifa sur la shortlist des Oscar; la sélection de Copain de Jan et Raf Roosens en Compétition Officielle à Cannes…
Les séries soutenues par le VAF/Fonds Média ont quant à elles également connu une belle carrière à l’étranger avec la sélection de Tabula Rasa au Co-Production Market du Festival de Berlin et les deux prix remis au Festival International des Programmes Audiovisuels (FIPA) à Marsman tandis que Spitsbroers était présentée en compétition à Séries Mania et Wim Willaert a été nominé pour deux Panda d’Or pour son rôle dans Eigen kweek…
En ce qui concerne les ventes de séries de fiction, la chaîne américaine The CW a commandé un remake de Cordon qui a été diffusé sur BBC Four (actuellement aux Etats-Unis). Des discussions sont en cours avec des chaînes américaines pour Clan qui a été diffusé en Grand-Bretagne sur Channel 4. On parle aussi d’un remake pour Het goddelijke monster.
EXPORTATION DE TALENTS
Enfin, il y a des choses qui sont difficilement traduisibles en chiffres. Les talents flamands s’exportent aussi bien derrière que devant la caméra.
Matthias Schoenaerts a été fait Chevalier en France, où Veerle Baetens a connu Un début prometteur dans le film de Emma Luchini tout comme Sam Louwyck dans Malgré la nuit.
Jan Bijvoet a quant à lui été remarqué dans le film colombien Embrace of the Serpent. Jakob Verbruggen a réalisé les deux derniers épisodes de House of Cards pour Netflix, alors que Tim Mielants a mis en boîte la troisième saison de Peaky Blinders et quelques épisodes de The Tunnel 2.
Jan Matthys était sur Shetland et Michaël R. Roskam a réalisé les deux premiers épisodes de Berlin Station. Felix van Groeningen (photo ci-dessous) va réaliser Beautiful Boy pour Plan B., la maison de production de Brad Pitt, tandis que Pieter Van Hees va réaliser un thriller américain avec Chloë Sevigny et Kristen Stewart. Caviar/USA a de son côté produit le film The Diary of a Teenage Girl primé de nombreuses fois.
LES AIDES
En 2015, le VAF/Fonds Cinéma a accordé des aides à la (post)production à 68 créations audiovisuelles pour un montant total de 8.851.855 EUR dont 44 majoritairement flamandes (6.891.181 EUR) réparties sur neuf longs métrages et neuf courts métrages, huit films d’animation, dix documentaires et huit projets filmlab. Si l’on y ajoute les budgets de coaching, d’aide à l’écriture et au développement et les primes au succès on arrive à un total de 10.383.364 EUR d’aides attribuées au sein du VAF/Fonds Cinéma*.
Le VAF/Fonds Médias a, en 2015, attribué des aides à 16 séries dont quatre séries d’animation, quatre documentaires et huit séries de fiction dont respectivement trois, quatre et sept projets étaient majoritairement flamands. Le total de ces aides a atteint 5.523.000 EUR dont 5.313.000 EUR pour les productions majoritaires. En comptant les aides crossmedia et les aides à l’écriture et au développement, ce montant atteint 6.612.000 EUR**.
Enfin, il y a encore le fonds économique Screen Flanders (comparable à Screen.Brussels et Wallimage) qui attribue des aides remboursables à des coproducteurs belges jusqu’à 400.000 EUR pour leurs dépenses en Région flamande.
Le budget est mis à disposition par l’Agentschap Innoveren en Ondernemen du Fonds Hermes. En 2015, Screen Flanders a attribué 4,5 millions EUR de subsides à des projets belges et internationaux (minoritaires et majoritaires). 44 dossiers ont été soumis (+ 4,8% par rapport à 2014), dont 21 ont été approuvés. L’effet de levier pour la Région flamande a évolué de 4,43 pour le premier appel en 2015 à 6,53 pour le second et 5,43 pour le dernier. La moyenne pour 2015 est donc de 5,35.