On a rencontré Henri de Gerlache, qui a eu la joie de voir son nouveau film documentaire, La belge histoire du Festival de Cannes, retenu en Sélection Officielle au Festival de Cannes dans la section Cannes Classics. il se confie sur les origines du projets, et ses défis.
D’où vient ce projet?
Il y a deux ans, j’ai fait un film avec Philippe Reynaert, Hollywood au pied du terril, qui parlait du film de Vincente Minelli, La Vie Passionnée de Vincent Van Gogh, tourné dans les années 50 avec Kirk Douglas dans le Borinage. Il m’a alors demandé s’il ne serait pas temps de faire une rétrospective consacrée aux films belges sélectionnés à Cannes depuis la création du Festival. En faisant quelques recherches sur le sujet, je me suis rendu compte que le Festival de Cannes avait failli se passer à Ostende, à une époque où une Europe en voie de réunification cherchait une ville balnéaire pour accueillir un grand festival de cinéma. J’ai trouvé l’accroche cocasse. Puis en fouillant dans les archives, j’ai redécouvert toute une série de films que le grand public a oubliés. Il me semblait intéressant de les remettre en lumière car cela fait partie de notre histoire, et cela raconte quelque chose de nous-mêmes et de notre cinéma d’aujourd’hui. Et puis j’ai trouvé ce camping-car que j’ai trouvé assez amusant, un peu à l’image du cinéma belge, un peu bricolé, parfois bordélique, et même vintage. J’ai commencé à tourner l’année dernière à Cannes, et petit à petit, certains cinéastes ont accepté de prendre part au projet.
« Mettre en lumière les films belges de Cannes qui font partie de notre histoire, et qui racontent quelque chose de nous-mêmes et de notre cinéma d’aujourd’hui. »
Qu’est-ce que vous avez redécouvert avec le plus de surprise lors de vos recherches?
Ce dont j’avais le moins conscience, c’est le nombre de films flamands présents à Cannes. Et puis un peu comme le dit Jaco Van Dormael dans le film, les cinéastes belges pour exister aux yeux du cinéma mondial sont obligés de réaliser des prototypes, un cinéma qui n’existe nulle part ailleurs . C’est aussi ce qui sous-tend un peu toute cette histoire. Finalement, chaque cinéaste belge présent à Cannes a osé quelque chose que les autres n’avaient pas osé. Une sorte de liberté de création assez fédératrice de ce cinéma belge.
« les cinéastes belges pour exister aux yeux du cinéma mondial sont obligés de réaliser des prototypes, un cinéma qui n’existe nulle part ailleurs. »
Le travail sur les archives est impressionnant!
J’ai été bien épaulé, par toute une équipe, j’ai passé beaucoup de temps l’été dernier à fouiller dans les vieilles Beta à la RTBF, à la Cinematek, à l’INA en France, et puis auprès des ayant-droit évidemment… C’était un long travail, mais passionnant, parfois j’avais l’impression d’être un chercheur d’or qui trouve soudain une petite pépite.
Qu’est-ce qui distingue le cinéma belge, finalement?
Le cinéma belge souffre auprès du public d’une image un peu mono-thématique. Le grand succès des frères Dardenne a finalement un peu occulté la diversité de ce qui est produit auprès du grand public, alors même qu’ils ont fait des films très différents. Le Gamin au vélo, c’est un film très lumineux, par exemple, et plus lisible pour le grand public. Pourtant, les frères Dardenne restent associés à Rosetta, et le cinéma belge aussi du coup. Cannes reste une publicité incroyable pour les films. Mais le succès, ça ne s’institutionnalise pas, il va falloir continuer à être libre, créatif, inventif pour retourner à Cannes. Il n’y a pas de recette! Finalement, ce qu’on retient, comme le dit Thierry Frémaux, c’est que ces cinéastes ont fait ce qu’ils avaient envie de faire, et pas ce qu’ils pensaient que les autres avaient envie qu’ils fassent, et c’est ça qui les distingue.
« Le succès, ça ne s’institutionnalise pas, il va falloir continuer à être libre, créatif, inventif pour retourner à Cannes. Il n’y a pas de recette! »
Comment avez-vous décidé des intervenants justement?
Il a fallu faire des choix évidemment, parce que c’était impossible de parler de tout le monde, il y a plus de 120 films qui sont passés par le Festival! J’ai essayé de m’attacher aux gens qui avaient des histoires particulières par rapport au festival, et de montrer aussi la diversité de notre cinéma. On connaît plus depuis 15 ans et l’avènement des frères Dardenne un certain type de cinéma belge, mais on a peut-être oublié un peu le reste, les comédies, les films avant-gardistes, le cinéma flamand… Ce panorama du cinéma belge qui se déploie depuis le tout début du Festival de Cannes méritait que l’on prenne le temps de raconter son histoire. Je voulais montrer une vraie diversité, et des gens qui avaient à chaque fois une histoire particulière, plus ou moins anecdotique, que ce soit un évènement qui bouleverse une vie comme C’est arrivé près de chez vous, ou un joli souvenir. Et puis aussi, rassembler des histoires heureuses. On s’arrête chez l’un et chez l’autre au fil ne nos pérégrinations, sur des lieux cultes de tournage, des maisonnettes de Toto le héros à la carrière de C’est arrivé près de chez vous, en faisant des associations spontanées, en créant des liens presque familiaux, des affinités entre les cinéastes, en brassant les époques et les langues.
Y’a-t-il eu des rendez-vous manqués?
Oui, avec Cécile de France, j’aurais aimé avoir son point de vue en tant qu’actrice bien sûr, mais aussi en tant que maîtresse de Cérémonie, qui aurait pu offrir une vue sur les coulisses un peu différente.
Pour en savoir plus, relisez notre critique de La belge histoire du Festival de Cannes, et découvrez le film ce mercredi 24 mai à 21h50 sur La Une (RTBF). Il sera disponible en VOD chez Proximus durant 5 semaines, et projeté également au Cinéma Galeries pendant un mois.