2011, année charnière, année trempln. Pour le cinéma belge certainement. Lancée avec le triomphe public de Rien à Déclarer et sa kyrielle d’amuseurs belges déjantés, électrisée par les premiers Magritte du cinéma belge, cette cuvée exceptionnelle s’est poursuivie avec le succès de Rundskop et sa moisson de prix en Festival.
Point d’orgue : un mois de mai exceptionnel qui a vu à Cannes les films d’ici remporter un nombre de trophées assez surréaliste et Cinévox débarquer avec un projet hors norme pour soutenir le cinéma de chez nous. Une façon positive et enthousiaste d’envisager nos films, acteurs et réalisateurs. Avec l’espoir revendiqué de modifier durablement l’opinion du public belge francophone sur ses films et de conforter la passion du public flamand pour ses héros. Une vision concrétisée en septembre par les Cinevox Happenings qui ont marqué les BNP Paribas Fortis Film Days devenue une vraie et grande fête du cinéma.
La rentrée fut la période des festivals: Ostende, Namur et Gand ont distingué pas mal d’œuvres (co)produites en Belgique, des films qu’on a pu revoir au Be Film festival et qui sont en course pour les Magritte 2012 dont le premier tour s’achève cette semaine.
Cette soudaine agitation autour du 7e art belge est aussi due, en partie au moins, à la profonde mutation de l’outil de diffusion: la numérisation des salles de cinéma change la donne. Sans elle, un projet comme Cinevox n’aurait jamais pu voir le jour et sa généralisation permettra à des distributeurs moins importants de produire un nombre de copies suffisant pour proposer leurs films un peu partout. Sans projection numérique, point de Bxl/USA aux Film Days (photo). Ceux qui étaient présents dans la salle ce jour-là savent que ça aurait été très dommage…
Cette effervescence valait bien une rétro détaillée en trois épisodes. Histoire de vous donner envie peut-être de (re)voir les meilleurs films de l’année et de vous plonger dans des articles, des interviews, des portraits que vous avez zappés
En Belgique, francophone essentiellement, le début d’année 2011 est marqué par la création des Magritte. La première cérémonie qui a pour vocation d’augmenter la visibilité du cinéma belge auprès du public belge est programmée le 5 février à la salle Square, au Mont des Arts. Si les productions flamandes attirent de nombreux spectateurs depuis des années, il n’en va pas de même pour les films belges francophones. En ce mois de janvier neigeux, Rien à Déclarer bat certes des records d’audience, mais il n’en est pas moins vrai que malgré son cortège d’acteurs belges comiques (ils sont tous là ou presque), la farce de Dany Boon est française et que c’est sans doute le tapage médiatique hexagonal qui stimule l’envie chez nous.
À la manière des César, les Magritte braquent leurs projecteurs sur le cinéma belge pendant toute une soirée, avec l’espoir que les médias en parlent avant (les nominations) et après surtout, en évoquant ces distinctions tout au long de l’année. Diffusé sur BeTV en clair, commenté en direct sur le Net, ces premiers Magritte voit le triomphe d’un film belge… atypique puisque Mr Nobody de Jaco van Dormael qui hérite de six statuettes a une envergure et un casting internationaux. Anne Coesens, Christelle Cornil et Pauline Étienne raflent les trois prix liés à l’interprétation féminine tandis que chez les messieurs c’est Jonathan Zaccaï, Jan Decleir et Joffrey Verbruggen qui emportent l’adhésion. Illégal, Élève Libre et Panique au Village tirent donc leur épingle du jeu à l’inverse des Barons qu’on attendait à meilleure fête. Mais le vote fut totalement démocratique et secret, la soirée rapide et rythmée, même si parfois un peu fofolle et débridée, et le bilan globalement positif. Dès la fin de la cérémonie chacun sait qu’il a vécu le début de quelque chose et sûrement pas un one shot héroïque.
Pendant ce temps-là, la Flandre assiste à la naissance d’un phénomène: Rundskop, le thriller rural métaphysique de Michael R. Roskam casse la baraque. Ce polar bilingue, cofinancé en Wallonie et à Bruxelles, tourné en partie en français attire les spectateurs par dizaines puis centaines de milliers. Et au fil des mois, emmagasine les titres les plus incroyables dans les festivals à travers le monde. En quelques mois, Matthias Schoenaerts devient une star mondiale, couronné un peu partout, embarqué dans le remake américain de Loft, mais aussi dans un des films français les plus prestigieux de 2012 : De Rouille et d’Os de Jacques Audiard.
Côté francophone, après la tornade Rien à Déclarer, c’est le calme avant la tempête : on note quelques coproductions grand public (Chez Gino, les yeux de Sa Mère, Largo Winch II… ) mais aucun film belge francophone majeur et pour cause : Cannes approche et depuis que les frères Dardenne ont tétanisé la Croisette avec Rosetta un soir de mai 99, les producteurs gardent leur plus belles cartouches à l’abri dans l’espoir d’une sélection. Et d’un sacre? Ici, on attend les Dardenne, Bouli Lanners, Abel et Gordon, mais ils sont fortement pressentis le long de la Méditerranée. Quartier Lointain et Noir Océan, sortis fin 2010 ne sont pas parvenus à capter les regards et ont donc quitté l’affiche. Mais Rien à Déclarer occupe le terrain et les imaginaires tandis que Virginie Effira qui saisit La chance de sa (ma) vie achève de convaincre les derniers indécis: oui elle est une véritable actrice. Bankable en plus. Désormais, une valeur sûre.
Pour voir d’autres comédiens de chez nous sur les écrans, il faudra patienter jusqu’au printemps !