Retour sur… « La Raison du plus faible »

Quand seule règne la loi du plus fort, il est temps d’écouter la raison du plus faible…

La Raison du plus faible, c’est l’histoire d’hommes à bout, épuisés autant par le travail que par l’absence de travail, éreintés par la précarité. C’est l’histoire d’hommes qui vont prendre des armes pour aller chercher l’argent là où il est, quitte à aller jusque dans la poche d’autres.

Liège, années 2000. Entre crise économique, désindustrialisation, chômage de masse et travail précaire, quatre hommes, une femme et un enfant avancent tant bien que mal. Jean-Pierre et Robert se sont presque fait une raison. Ils ont tout donné à leur travail, jusqu’aux jambes de Jean-Pierre, et il ne leur en reste presque rien. Un petit appartement dans une tour d’habitation géante, et plus précieux encore, l’amitié. La solidarité même. Quand les deux hommes apprennent que Patrick, Bac +5 sans emploi, peine à réunir les maigres fonds pour racheter une mobylette à sa femme, ils sont prêts à l’aider coûte que coûte. 2h de plus pour aller faire un travail de gueux payé une misère, et voir encore moins son fils, son mari? Et puis quoi encore? Jean-Pierre et Robert vont trouver le moyen d’aider leur ami, et tant pis s’ils ne gagnent pas au loto, ils trouveront bien une autre solution. Et cette solution, c’est peut-être Marc qui la leur amènera. Repris de justice pour braquage, Marc travaille à l’usine Jupiler. Tous les jours, il pointe au commissariat, sous le regard particulièrement peu bienveillant de l’officier de service. Marc voudrait bien se ranger, et pourtant: s’il le tentait, ce dernier coup? S’il le faisait payer, ce ferrailleur qui démantèle les hauts-fourneaux sans états d’âme?

La Raison du plus faible débute comme un drame social, profondément ancré dans son territoire. Les plans de Liège, des hauts-fourneaux plantent le décor. Les destins croisés des anti-héros du film qui se dessinent sous les yeux des spectateurs n’en disent pas moins. Petit à petit, malgré la misère et la souffrance, l’atmosphère se détendrait presque. Il faut dire que ces gars au bord du gouffre ont le sens de l’honneur, de l’humour et des mots. Et que ce projet de hold up les extrait (pour le pire?) de leur quotidien. Ils en retomberaient presque en enfance, quand il s’agit de planifier l’affaire. Réalisme social, bien sûr, mais le drame se mue vite en polar, dont on redoute implacablement la fin.

 

Ancré dans son époque, La Raison du plus faible nous parle de la nostalgie d’un temps que l’on n’est plus sûr de connaître, celui de l’aristocratie de la classe ouvrière, celui où le travail était une issue et une fierté. Le film, emprunt de valeurs douloureusement surannées, exaltent la fraternité qui unit ces personnages à bout de souffle, remarquablement incarnés par un casting mené par Patrick Descamps et Claude Semal, mais aussi le cinéaste lui-même, Lucas Belvaux, qui retrouve ici ses premières amours, la comédie, ainsi que Natacha Régnier et Eric Caravaca.

Sélectionné en compétition officielle au Festival de Cannes, le film sort dans les salles belges le 13 septembre 2006.

Diffusion ce vendredi 22 décembre à 19h à Bozar, dans le cadre du Be Film Festival.

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