L’hiver Dernier
Vincent, John et les autres

Vous connaissez la déclaration de Jean Gabin (non pas le rappeur, l’autre) : « un grand film c’est une bonne histoire, une bonne histoire et une bonne histoire. » Mais c’est souvent aussi la rencontre d’un metteur en scène avec un acteur précis, marquant; l’acteur qui incarne un personnage avec ce supplément d’âme qui fait que plus aucun spectateur ne peut imaginer qu’il ait été interprété par quelqu’un d’autre.  Parfois, cette relation débouche, en plus, sur une amitié. Cela semble être le cas de la collaboration entre John Shank, le réalisateur de L’Hiver Dernier et Vincent Rottiers un des meilleurs jeunes acteurs francophones actuels. Lorsque nous les avons rencontrés (séparément) ils nous ont raconté leur aventure conjointe et ce qu’ils pensaient l’un de l’autre. Que du bien !

 

 

 » Vincent, ça fait très longtemps qu’on m’en a parlé », explique John Shank . « Ma femme, qui avait travaillé avec lui sur un film, avait été épatée, mais il était trop jeune pour incarner le « héros » de mon histoire. Et puis à la réflexion, je me suis dit que je devais quand même en avoir le cœur net et je l’ai donc rencontré. On a parlé et aussitôt, j’ai eu envie de le filmer. C’est presque aussi simple que ça. Vincent avait envie de faire le film. Il voulait faire des choses qui se trouvaient dans le scénario, pratiquement; devenir le personnage. Et en même temps, il était ému par des éléments que d’autres acteurs n’avaient pas forcément relevés dans le scénario.  Il m’a surpris dans ce qu’il m’a raconté de l’histoire, dans ce qu’il en avait retenu. Je me suis dit : « Wow! Ça, ça le touche? Hé bien c’est qu’il a saisi l’essence du personnage et du scénario. C’était foudroyant : il est tout de suite devenu évident que c’était lui et personne d’autre. Il a débarqué dans un monde qui lui était totalement étranger, et il s’est plongé dedans avec une grande curiosité.

 

Très vite, il a été adopté par les éleveurs qu’il rencontrait. Vincent a quelque chose qui le lie très fort au personnage : il vient d’un endroit, se sent appartenir à cet endroit, et c’est très important. En lisant le scénario, je crois qu’il a vraiment senti ça : la défense d’une place qui l’englobe complètement, sans doute qui l’enferme un peu aussi, mais qui reste à ses yeux son centre. »

 

 

« En fait, j’ai enchaîné deux films belges », s’amuse Vincent Rottiers : « Le Monde nous appartient de Stephan Streker et L’Hiver Dernier. À la fin du premier tournage, j’ai pris la route, car je rejoignais immédiatement l’Aubrac pour L’Hiver Dernier. Je me suis vraiment bien entendu avec les deux réalisateurs, mais leur façon de diriger est assez différente: Stephan cherche à avoir un contrôle total sur son film. Il sait que c’est un travail d’équipe, mais sur le plateau c’est lui le boss. On l’appelait « le président »…  John est plus à l’écoute.

 

Même si c’était son premier film, il savait ce qu’il voulait faire lors de chaque journée de tournage. Il s’accordait quand même un espace de liberté et de réflexion pour rendre le mieux possible ce qu’il avait en tête. C’est en général le matin qu’il nous expliquait où il désirait filmer telle scène et comment on allait procéder. Je pense qu’il n’avait pas de storyboard, mais l’histoire était en lui. Jamais on n’a eu le sentiment qu’il improvisait : tout le monde avait entièrement confiance en son jugement. Du coup, non, je n’ai pas senti de différences entre sa façon de travailler et celle d’un réalisateur plus chevronné.  »

 

 

« Ça fait maintenant pratiquement deux ans que Vincent et moi nous nous connaissons », surenchérit John Shank. « Les choses ont naturellement très fort évolué. Pour moi, Vincent est un des jeunes talents européens les plus impressionnants.  C’est un très grand acteur, mais en plus il fait les choses instinctivement, simplement, en se mettant totalement au service d’un projet. À partir du moment où la confiance est là, réciproque, il est d’une générosité incroyable.  En fait, Vincent a amené au film beaucoup plus que ce que j’avais prévu. Il a mis dans le personnage tout ce que j’attendais de lui, mais il a dépassé mes attentes en lui donnant une épaisseur et un vécu inespérés.

Je sais que je ne suis pas le seul à penser cela. Les autres comédiens qui ont travaillé avec lui ont adoré ça. Anaïs (Demoustier) tout particulièrement. Il est d’une telle générosité et d’une formidable écoute avec tous, acteurs, techniciens, etc. Une relation aussi forte est très rare. »

 

 

Vincent Rottiers a laissé de tons souvenirs, mais il en garde également:  « Le moins qu’on puisse dire est que le tournage de L’Hiver dernier m’a beaucoup plu. Au-delà de l’histoire,  j’ai adoré l’ambiance et la relation avec John qui est presque de ma génération et avec qui j’ai beaucoup d’affinités. Et puis, il y a une différence entre les équipes belges et françaises. Il y a un côté un peu plus détendu en Belgique. Avec vous, le petit verre de fin de journée est un rituel et on saisit toutes les occasions de s’amuser, même en plein boulot. Il y a moins de hiérarchie aussi. Et ça, je trouve que c’est plutôt pas mal. En France, un stagiaire ne doit pas parler avec le réal. En Belgique, on ne sent pas du tout ce rapport d’autorité. »

 

« Et puis », conclut-il, « John est quelqu’un de gentil, avec l’équipe, avec tout le monde. Il est ouvert et proche de tous. Chacun peut lui proposer des idées, il est à l’écoute. C’est vraiment un mec bien… »

 

Tout est dit, non?

 

[Photos par P.P.]

 

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